Le temps et les temps

En ces temps tourmentés et fous, quel autre sujet que celui de la grippe fulgurante et phénoménale ?

Tout est devenu monocorde. Tout. Partout. En permanence.

Un „Comment vas-tu ?“ tourne inévitablement au „Moi, nous, ça va. Mais j’ai entendu dire que telle personne (publique ou privée) a été atteinte et en deux jours, terminé. Elle était morte.“ Quelle pression sur les humains ! Quelle pression sur la vie ! La peur de mourir ? La peur d’apprendre que quelqu’un va mourir ? La peur de ne pas être en mesure de gérer une nouvelle situation ? Cela devient une pression supplémentaire. On en avait bien besoin…

La vie prend une tournure irréelle. Tout s’estompe. Comme dans une tempête de neige, bloquée dans un chalet, écarquillant les yeux pour essayer de reconnaître les contours d’un paysage familier dans d’autres circonstances. Ni son, ni image. Tout est flou, uniforme. La vie au ralenti.

Même les actualités, les „informations“, sont filtrées pour n’en retenir qu’une. Hier, je me posai la question : „Passerons-nous à l’heure d’été cette nuit ou y a-t-il prescription ? Pour cas de force majeure.“ Un maigre entrefilet dans les journaux, une annonce prononcée du bout des lèvres à la télé, de peur de communiquer des choses scandaleuses, des choses osées, des horreurs pures. Singulier, comme situation. Alors qu’il y a six mois, les médias abreuvaient copieusement les citoyens de communiqués au sujet de l’arrêt imminent de cette pratique devenue obsolète. „Le changement d’heure, c’est ce week-end ou le prochain ? Une heure avant ou après, déjà ? Ça y est, c’est fini ? Mais alors on conserve quelle heure ? Celle d’hiver ou celle d’été ?“.

Le monde s’est tu. Alors que deux ou trois semaines auparavant, tout le monde prenait la parole et donnait son avis sur tout, à tout moment, surtout sans y être invité. „Je considère que le blanc d’œuf fait tache.“ Alors qu’il y a deux ou trois semaines encore, des starlettes s’exhibaient pratiquement nues dans des revues de presse à sensation, faisaient la moue de manière irréprochablement professionnelle devant des photographes et faux-paparazzis avides d’exclusivité reproduite à l’infini, nous communiquaient leur discipline de vie et de leurs projets d’avenir scintillants. „Machine a retrouvé une taille de guêpe et une silhouette de rêve après l’accouchement de ses quintuplés. Ici, en vacances bien méritées dans son île privée des Seychelles“, „Truc montre à Bidule sa nouvelle propriété à Malibu, trois maisons de 270 m² chacune reliées entre elles, avec salle de projection privée de 100 places, deux piscines, une salle de musculation. Là, le coach personnel de Truc. Le cuisinier maltais lui concocte chaque matin un smoothie de fruits catégorie super food bio et fairtrade. Le strict minimum pour commencer une journée de labeur.“ Ah oui, vraiment, le scoop que le monde entier attendait. Aujourd’hui, plus personne n’a envie de s’intéresser aux humeurs du chat de Bidule.

D’ailleurs, à ce propos, qu’est devenue Choupette, la féline milliardaire de feu Karl Lagerfeld ?

C’est fou ce que les temps peuvent changer, en pratiquement un claquement de doigts, en en rien de temps.